Purple Travel

[July 18 2011]

TUNISIE, APRES #1 – A DIARY BY MEHDI BELHAJ KACEM

Arrivée à la nuit, un 14 juillet, pour tâter le pouls, six mois exactement après son déclenchement, de la première vraie Révolution du 21ème siècle. Chance pour moi : la canicule, qui battait son plein il y a encore deux jours, est retombée. Un tunisien me dira avoir enduré une pointe à 56°. Moi qui suis venu ici, en rêvant depuis des mois, pour me réveiller de la torpeur mentale parisienne, je vais être servi… Là-bas, c’est spirituellement que règne la canicule. Rien d’autre à faire que de résister, chaque seconde, depuis des années, à une sorte de complot dépressif généralisé. Ici la canicule physique électrifie l’esprit; l’atmosphère, la radioactivité révolutionnaire, ce n’était pas une légende. Et c’est mon pays d’origine qui aura dû me l’apprendre à près de trente-sept ans.

Le mois et demi que j’ai passé ici en février-mars aux lendemains de la Révolution étaient souvent très éprouvants ; mais pour rien au monde je n’aurais voulu être ailleurs, malgré le stress, les dangers, la paranoïa palpable, l’anarchie, le chaos, l’absence d’Etat (miam !). C’est la mort dans l’âme que j’ai dû rentrer à Paris, pour m’occuper de ce qui m’apparaissait comme des futilités. Les corvées réglées, toujours « bloqué » à Paris sous divers prétextes. Une seule hâte, constante, culpabilisante, rentrer à Tunis, voir, faire quelque chose, aussi minime soit-il, contre l’oubli de l’extraordinaire ampleur de ce qui s’est passé, contre les mensonges du gouvernement de transition corrompu par l’ancien régime, contre la récupération islamiste.

Hôtel, crudités-huile d’olive, quelques bières, déambulation dans les main streets tunisois. Premier constat : des ordures partout. Mais alors, partout! Tous les agencements frappants de singularité. Je photographie des amoncellements, des perspectives fuyantes.

Plein de chats, aussi. Bizarrement, pas farouches, même quand j’active le flash. Les chats, même noirs, ne me fuient jamais. Pourtant les chats tunisiens ne sont pas du tout pareils que les français, beaucoup plus sauvages, clochards : la mère de famille tunisienne n’accepte pas de les laisser entrer. Ils bouffent les restes et habitent les poubelles. On dit souvent « pas un chat », mais là, il n’y a qu’eux – pourtant d’habitude Tunis est très animé la nuit l’été.

Pour les vestiges plus ou moins vifs de la Révolution, hors les ordures partout et les affiches, j’attendrai demain.

Photo and text Mehdi Belhaj Kacem

More

Subscribe to our newsletter