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[July 19 2011]

TUNISIE, APRES #3 – A DIARY BY MEHDI BELHAJ KACEM

Réveil tôt. Petit déjeuner. Balade. Autant à la nuit c’est les ordures, si j’ose dire, qui vous sautent à la figure, sans qu’on puisse tout à fait réprimer une extase esthétique pointue, autant de jour rien n’a changé depuis cinq mois, mais au contraire aggravé, sous le rapport suivant : flics à nouveau partout, militaires toujours exactement postés à tous les points stratégiques de la ville, comme dans tout le reste du pays. Le ministère de l’Intérieur, par exemple, véritable château de Selling moderne, est largement entouré de tanks et de barbelés. Il y a même plutôt quelques nouveaux camps protégés, comme l’ambassade de France…

On me dit que le sit-in reprend à la Kasbah (où se situe le premier ministère, le ministère des finances…). Le « sit-in 3 », disent-ils ; j’avais assisté au premier. Des gens pauvres, massivement venus du centre du pays, ont installé leurs tentes pour des semaines. Ils étaient chaque jour rejoints par des centaines et des centaines d’autres tunisiens. Souvenir d’un rêve situationniste : installation monstre, détournements, graffitis géniaux partout, débats incessants, solidarité en quelque sorte gazeuse.

En arrivant, déception : non seulement, tous les graffitis ont été effacés (sniff, mes photos…), mais la Kasbah elle-même est devenue inaccessible, encadrée par les barbelés, les chars et les cars de flics. Plutôt étonnamment peu de gens, refoulés au parvis de la mosquée voisine, c’est là qu’ils manifestent. En espérant que ce ne soit pas un symbole de ce qui attend la Tunisie… Je me tiens à distance. Discussion avec une journaliste qui me dit qu’en effet, les islamistes s’infiltrent. Du reste quand la menue foule commence à crier ses slogans, ce sont exactement les mêmes qu’il y a cinq mois… avec en plus des « allahou akbar », ou des « la Tunisie est un pays musulman ».

Pourtant : toujours cette espèce de météo moléculaire, où les corps s’agrègent de manière totalement imprévisible, chaque fois nouvelle, d’un moment à l’autre. On dirait les danses incessantes des bancs de poissons. Comme il y a cinq mois, où aucune journée ne ressemblait à la précédente. Les manifestants essaient à plusieurs reprises de convertir les flics (« flic, flic, tombe ton casque et rejoins-nous! »), de sympathiser… un flic vient même avec une pancarte, « la police est l’amie du peuple », avant de se faire rabrouer par ses collègues. Mais à chaque tentative la foule est refoulée vers le parvis.

Pour finir, à l’improviste – les bonnes vieilles lacrymogènes. Dont une me tombe bien sûr juste sous le nez. Je cours cracher mes bronches ailleurs, les yeux explosés. Les flics sont encore partout, ils ont encerclé tout le quartier.

En rentrant par les ruelles claustrophobes de la médina : des jeunes au look « salafistah ! » font tournoyer des lance-pierres, façon « Intifada », dans l’intention manifeste d’en découdre avec les flics. Les plus jeunes les suivent, fascinés.

Photo and text Mehdi Belhaj Kacem

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