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[August 1 2011]

Chronique tunisienne #8 par Mehdi Belhaj Kacem

Puisque je suis bloqué ici, autant photographier
les environs. Montrer le côté monadique de la Tunisie. Partout pareil, partout
différent.Surtout pareil.

Toutes les photos sont prises dans un diamètre de
un kilomètre autour de chez mon père, pas plus. Tout de même, je suis effaré par l’omniprésence
des ordures. Non, ce n’était pas à ce point-là avant. Je songeais vaguement à
demander aux groupes écolos d’ici de me montrer des endroits, mais pas besoin.
Il suffit de se balader. Partout.  

La pieuvre RCDiste, le parti-Etat unique de Ben
Ali, est tout simplement toujours partout, et laisse pourrir, au propre comme
au figuré. Quelques têtes sont tombées, mais au fond guère plus. Même le
soi-disant HIROR (Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la
Révolution), qui commence sa « constitution » par un crapuleux
« la Tunisie est un pays arabo-musulman », est composé d’ex-caciques
indubitables du RCD, et nul ne moufte. Le HORROR, ça oui : Hurluberlus
Obnubilés par la Récupération Renégate de l’Ompnipotence RCDiste.

Leïla Trabelsi a promis de « faire brûler
tout le pays ». Pour la première fois, des incendies se déclenchent pas
loin d’ici, alors que la mode des pyromanes estivaux a toujours épargné nos
maigrelettes forêts. Des dizaines de kilomètres, déjà, d’arbres ancestraux
coupés par les Trabelsi pour vendre du bois.

Je discute avec les gens, de toutes classes, de
tous âges, ils en ont marre. Certains souhaitent ouvertement une dictature,
seul moyen réaliste de remettre de l’ordre. L’inscription sur les listes
électorales est un fiasco, qui présage du pire, à moins d’une coalition
consensuelle « raisonnable » entre les partis laïcs. D’où vient l’argent ?
Soit de la famille Trabelsi, qui a pillé la moitié du PIB national en vingt
ans, et peut toujours arroser secrètement les sbires silencieux toujours là.
Soit des islamistes, aux dirigeants multimillionaires derrière leurs airs de
patriarches Nitouches (un invariant de toutes les cultures : les
Patriarches ont toujours un air de candeur bourrue un peu ridicule). Dans les
deux cas, c’est de l’Arabie Saoudite, les grands amis démocrates aux
américains, que viennent les sonnantes et les trébuchantes. Les nouveaux
partis, ou ex-d’opposition interdits, ont par définition les caisses vides. Que
voulez-vous que ça donne ?

Solution temporaire possible : un Tribunal
Pénal International, immédiatement, qui exige par l’ONU à l’Arabie Saoudite la
livraison du couple Zine-Leïla. La famille Ben Ali-Trabelsi, c’est Milosevic à
la puissance dix, et je n’exagère pas.

La Révolution est gelée. Je ne passe aucun coup de
fil à cause de ce genre de choses, voyage ici en solitaire. Et personne ne
m’appelle, les tunisiens ont re-contracté leur maladie favorite, la paranoïa
(je sais de quoi je cause).

La seule solution : une seconde insurrection
populaire, qui fasse cette fois « dégager » les RCDistes des
infrastructures. Et une insurrection des consciences, contre l’hypocrisie
patriarcale qui condescend à prendre le contrôle parce que l’islam, au moins,
ce sont des repères et des règles, contre l’anarchie qui règne.

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